Le droit des successions est en constante évolution, notamment sous l’influence de la jurisprudence qui vient préciser ou modifier les règles en vigueur. Cet article a pour vocation d’analyser l’impact de certaines décisions récentes sur les principes fondamentaux du droit des successions, et d’en tirer les enseignements pour les praticiens et les justiciables.
La réserve héréditaire et la liberté de disposer de ses biens
La réserve héréditaire est une institution fondamentale du droit des successions français, qui garantit à chaque héritier une part minimale dans la succession du défunt. Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises sur la compatibilité de cette règle avec le principe de la liberté de disposer de ses biens, protégé par l’article 1er du Protocole n°1 à la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans un arrêt Labassee c/ France du 26 juin 2014, la CEDH a jugé que la réserve héréditaire ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens du testateur, dès lors que le législateur français avait prévu un mécanisme permettant aux héritiers réservataires d’obtenir une indemnisation en cas de lésion. Cette décision a été confirmée par un arrêt du 28 septembre 2017 (affaire Bélorgey c/ France).
La réduction des libéralités excessives
Lorsque les dispositions testamentaires du défunt excèdent la quotité disponible, c’est-à-dire la part des biens dont il pouvait librement disposer, les héritiers peuvent demander à ce que ces libéralités soient réduites à due proportion. La jurisprudence récente a apporté des précisions sur les conditions de cette réduction.
Ainsi, dans un arrêt du 12 juillet 2017, la Cour de cassation a décidé que le caractère excessif d’une libéralité doit être apprécié au jour de l’ouverture de la succession et non au jour où elle est consentie. Cette solution permet d’éviter que des changements ultérieurs dans la composition du patrimoine successoral ne viennent bouleverser les intentions du testateur.
La preuve des rapports et récompenses
Dans le cadre d’une succession, les héritiers sont tenus de rapporter à la masse successorale les donations qui leur ont été faites par le défunt, afin d’assurer une égalité entre eux. De même, lorsqu’un héritier s’est acquitté d’une dette successorale ou a réalisé une dépense au profit de la succession, il peut prétendre à une récompense.
La question de la preuve de ces opérations s’est posée à plusieurs reprises devant les tribunaux. La Cour de cassation a ainsi jugé, dans un arrêt du 1er juin 2016, que les rapports et récompenses doivent être prouvés par écrit, sauf impossibilité matérielle ou morale. Cette solution incite les parties à conserver des documents attestant des donations et des dépenses réalisées en vue de prévenir d’éventuels litiges successoraux.
Les droits du conjoint survivant
Le conjoint survivant bénéficie d’une protection particulière en matière successorale, notamment grâce au droit viager au logement qui lui est accordé par l’article 764 du Code civil. Toutefois, cette protection peut être remise en cause par certaines décisions judiciaires.
En effet, la Cour de cassation a admis, dans un arrêt du 29 mars 2017, que le juge peut ordonner la vente du logement familial pour permettre le partage de la succession, dès lors qu’il constate l’impossibilité pour les héritiers de s’entendre sur le sort de ce bien. Cette solution met en évidence la nécessité pour le conjoint survivant de contracter une assurance-vie ou d’anticiper la transmission de ses biens afin de préserver ses droits.
L’analyse de ces décisions jurisprudentielles montre que le droit des successions est soumis à des évolutions constantes et parfois imprévisibles. Les avocats spécialisés en droit des successions doivent donc rester attentifs aux développements futurs afin d’offrir à leurs clients un conseil éclairé et adapté à leurs besoins.
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