À l’heure où nos vies sont de plus en plus exposées sur la toile, le droit à l’oubli numérique apparaît comme une nécessité pour protéger la vie privée des citoyens. Cet article vous propose de découvrir les enjeux et les contours de ce droit fondamental, ainsi que les démarches à entreprendre pour faire valoir cette protection face aux géants du web.
Qu’est-ce que le droit à l’oubli numérique ?
Le droit à l’oubli numérique, ou droit au déréférencement, est un principe juridique qui permet aux individus de demander la suppression d’informations obsolètes ou inexactes les concernant sur internet. Ce droit découle du respect de la vie privée, consacré par divers textes internationaux et nationaux, tels que la Convention européenne des droits de l’homme ou encore la loi française Informatique et Libertés.
La notion d’oubli numérique a été rendue célèbre par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en 2014, dans l’affaire dite Google Spain. La CJUE a alors affirmé que les moteurs de recherche étaient tenus, sous certaines conditions, de supprimer des résultats de recherche les liens vers des pages contenant des informations personnelles obsolètes ou inexactes. Depuis, le droit à l’oubli numérique a fait l’objet de nombreuses évolutions et controverses.
Les critères d’application du droit à l’oubli numérique
Pour que le droit à l’oubli numérique puisse être invoqué, plusieurs critères doivent être réunis :
- L’information en cause doit concerner la personne qui demande la suppression. Il peut s’agir de données sensibles (opinions politiques, origines ethniques, etc.), d’informations financières ou encore de faits relatifs à la vie privée.
- L’information doit être obsolète ou inexacte. Il peut s’agir par exemple d’une condamnation ayant été effacée du casier judiciaire, d’une dette ayant été remboursée ou encore d’un mariage ayant été annulé.
- La publication de l’information doit constituer une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée. Cette appréciation est souvent délicate et dépend des circonstances. La CJUE a ainsi établi que les moteurs de recherche devaient mettre en balance les droits des personnes concernées et ceux des internautes à accéder à ces informations. Plusieurs facteurs peuvent être pris en compte, tels que la notoriété de la personne ou encore l’intérêt général à disposer de cette information.
Comment faire valoir son droit à l’oubli numérique ?
Si vous estimez que vous remplissez les conditions pour bénéficier du droit à l’oubli numérique, plusieurs démarches sont à entreprendre :
- Contacter le responsable du site internet sur lequel l’information est publiée. La plupart des sites disposent d’un formulaire de contact ou d’une adresse e-mail pour faire part de vos demandes. Il convient alors d’exposer les raisons pour lesquelles vous souhaitez la suppression de l’information et de fournir, si possible, les justificatifs nécessaires.
- Si la demande auprès du site internet n’aboutit pas, il est possible de s’adresser directement aux moteurs de recherche pour demander le déréférencement des pages en cause. Google, par exemple, met à disposition un formulaire en ligne permettant d’effectuer une demande de suppression de résultats. Il est important de bien motiver sa demande et de fournir les liens vers les pages concernées.
- En cas d’échec des démarches précédentes, il peut être nécessaire de saisir les autorités compétentes en matière de protection des données personnelles. En France, il s’agit de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Celle-ci peut être saisie en ligne ou par courrier et dispose d’un pouvoir d’instruction et de sanction à l’encontre des responsables de traitement qui ne respectent pas le droit à l’oubli numérique.
Notez que ces démarches peuvent être complexes et chronophages. Il est souvent recommandé de se faire assister par un professionnel du droit pour mettre toutes les chances de son côté.
Le droit à l’oubli numérique face aux enjeux internationaux
Le droit à l’oubli numérique soulève de nombreuses questions et défis à l’échelle internationale. En effet, les géants du web opèrent souvent dans plusieurs pays et sont soumis à des législations différentes en matière de protection des données personnelles.
Ainsi, la question du champ d’application territorial du droit à l’oubli numérique a été au cœur d’un bras de fer entre Google et la CNIL en 2015. La CJUE a finalement tranché en faveur de Google en limitant le déréférencement aux versions européennes du moteur de recherche. Toutefois, cette solution ne semble pas totalement satisfaisante, puisque les informations pourraient rester accessibles depuis d’autres pays.
Par ailleurs, le Règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en 2018, a renforcé le cadre juridique encadrant le droit à l’oubli numérique. Le RGPD consacre notamment un droit à l’effacement des données personnelles (article 17), qui permet aux personnes concernées de demander la suppression de leurs informations dans certaines situations (données inexactes, traitement illicite, etc.).
Au-delà de ces évolutions législatives et jurisprudentielles, le droit à l’oubli numérique continue de susciter d’intenses débats sur la façon dont nos sociétés doivent concilier vie privée et liberté d’accès aux informations.
Le droit à l’oubli numérique en pratique : quelques chiffres
Depuis l’arrêt Google Spain en 2014, on estime que près de 3,3 millions de demandes de suppression de liens ont été adressées à Google. Le moteur de recherche a accepté d’accéder à environ 45% de ces demandes.
Les motifs les plus fréquemment invoqués pour justifier ces demandes sont les suivants :
- Atteinte à la vie privée (35%)
- Informations financières (20%)
- Informations obsolètes (15%)
Ces chiffres témoignent de l’importance croissante que revêt le droit à l’oubli numérique pour les citoyens et soulignent la nécessité pour les pouvoirs publics et les acteurs du web de mettre en place des mécanismes efficaces pour garantir cette protection.
Pour aller plus loin…
Même si le droit à l’oubli numérique constitue une avancée majeure en matière de protection des données personnelles, il ne saurait être considéré comme une solution miracle. Pour préserver au mieux votre vie privée sur internet, il est essentiel d’adopter des comportements responsables et vigilants en matière de partage d’informations. Ainsi, pensez toujours à vérifier les paramètres de confidentialité des sites et réseaux sociaux que vous utilisez et évitez de divulguer des données sensibles ou compromettantes.
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